jeudi 17 septembre 2009

DU PETROLE, MAIS PAS BEAUCOUP D'IDEES


Si les simples citoyens sont prêts à changer leurs comportements et à abandonner les énergies fossiles pour des carburants propres, les lobbies pétroliers eux n’y ont évidemment aucun intérêt. Ils n’y renonceront vraisemblablement pas avant d’avoir vendu jusqu’à la dernière goutte de leur or noir dont la perspective de pénurie et les coûts de prospection et d’extraction pouvaient, jusqu’à ce que le prix du baril chute de manière vertigineuse(1), justifier la flambée des prix.


Quand y'en a plus...
Or, ces vingt dernières années, les réserves mondiales d’hydrocarbures ont triplé. Coup de théâtre, les sols, au lieu d’être épuisés comme on nous l’assure régulièrement, regorgeraient de nappes de pétroles pour un siècle au moins ! On peut lire dans le rapport Infocomm (Information de marché dans le secteur des produits de base, diffusée sous logo CNUCED) sur la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement(2) que les réserves de pétrole évoluent sans cesse.

Ainsi, on a récemment découvert des gisements gigantesques au Canada, dans la région Nord de l’Alberta (les fameux sables bitumineux(3)) devenue la deuxième plus grande source de production de pétrole brut de synthèse au monde (estimée à 80.000 km2, soit plus de 174 milliards de barils) et dans la zone d’Anticosti (sous le golfe du Saint-Laurent jusqu’à Terre-Neuve) ; au large de la Côte d’Ivoire, au Nigéria, au Congo, au Gabon, au Tchad et au Soudan ; en Alaska et tout récemment au Brésil. Bref, quand il n’y a plus de pétrole, il y en a encore… En revanche, ce sont les idées qui, cette fois, semblent manquer ! Comme le disait Richard Buckminster Fuller(4) , créateur de la fameuse « Biosphère » de Montréal : « Il n'y a pas de crise de l'Energie, mais simplement une crise d'Ignorance ».

Ce rapport étant accessible librement sur le Net, je me permets d’en publier ici des extraits traitant de la problématique des réserves : « Ainsi, contrairement à ce qu'on pourrait penser les réserves identifiées (ou prouvées) n'ont jamais été aussi importantes qu'à l'heure actuelle. Les estimations varient entre 140 Gt (giga tonnes ou milliards de tonnes, équivalent à 1050 Gb ou giga barils) d'après le Oil and Gas Journal (OGJ) et 160 Gt (1200 Gb) d'après l'US Geological Survey (USGS). En se fondant sur la consommation actuelle de pétrole, ces chiffres nous mèneraient entre 53 et 63 ans de production.(…) La consommation totale cumulée de pétrole jusqu'au début de ce millénaire atteint 110 Gt (825 Gb), soit moins que les réserves prouvées.(…) Bien qu'une grande majorité du sous-sol terrestre ait été explorée, il est encore aujourd'hui très difficile de savoir s'il reste beaucoup de pétrole à découvrir ou pas. Les gisements aujourd'hui à maturité contiennent potentiellement beaucoup de pétrole qu'on ne sait pas encore extraire. En effet les taux d'extraction actuels sont d'environ 30%, et chaque point gagné au-delà est équivalent à environ trois ans de production, en considérant un stock mondial récupérable de 266Gt (1995,5 Gb).(…) En termes de réserves, une distinction est faite entre le pétrole conventionnel (celui exploité actuellement) et le pétrole non conventionnel (un pétrole qui pourrait être exploité dans le futur sous réserve de posséder les technologies adéquates et sous réserve d'un coût de production rentable).(…) En 2002 les coûts de développement des bruts conventionnels se situent entre 2 et 15 dollars américains le baril et ces coûts diminuent en moyenne de 1 dollar américain par an.(…) Dans le passé, l'exploitation off shore était considérée comme beaucoup trop chère et presque impossible, alors qu'aujourd'hui plus personne ne remet en cause la rentabilité de ces explorations et pour autant le prix du brut en terme réel ne s'est pas envolé.(…)

Les emplois ou l'environnement ?
Les sables asphaltiques constitueraient le plus grand gisement mondial de pétrole potentiellement exploitable avec une estimation à 40 Gt (300 Gb). Actuellement ces sables sont en partie exploités et représentent 34% de la production totale de pétrole au Canada. D'après l'entreprise Suncor qui exploite un gisement, le coût du baril de pétrole revient à 12,5 dollars américains. La quantité actuelle de réserves prouvées exploitables pourrait être sujette à modification non pas grâce à la découverte de nouveaux gisements mais grâce à l'amélioration du rendement d'extraction. Actuellement ce rendement se situe autour de 30%, chiffre qui, selon certains, pourrait atteindre 50 à 60% du fait des progrès technologiques ; ce qui entrainerait la réouverture de gisements considérés aujourd'hui comme épuisés.(…) L'Agence internationale de l'énergie (AIE) considère que la production de pétrole n'atteindra pas un maximum pour ensuite décroître dans les vingt prochaines années. Ces prévisions sont fonction de l'investissement de l'industrie pétrolière dans la recherche technologique. Toujours selon l'AIE, il serait nécessaire d'injecter 1000 milliards de dollars entre 2000 et 2010 afin de maintenir la production de pétrole avec la croissance de la consommation. ».

Un bémol toutefois, à l’heure où ce rapport a été rédigé, personne n’avait prévu l’effondrement des cours du pétrole en 2008 et 2009(5). L’extraction du bitume pourrait devenir de moins en moins rentable et refroidir l’enthousiasme des grandes compagnies… et sauver ainsi quelques milliers d’hectares de forêts canadiennes, mais pas les milliers d’emplois qui vivent du pétrole en Alberta… Cruel dilemme ! Faut-il sauver les emplois ou l’environnement ? Comment faire, en effet, pour que l’un ne soit pas la tombe de l’autre ?

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Nota :

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Le Rapport Infocomm (CNUCED/ONU) sur le pétrole : http://r0.unctad.org/infocomm/francais/petrole/descript.htm

Notes de bas de page :
(1) Les cours du brut se sont effondrés en quelques mois : de 147,50 $ en juillet 2008, le prix du baril est passé au-dessous de la barre des 34 $ à New York à la mi décembre (le baril était déjà tombé à 39,50$ le 5 décembre à Londres).
(2) Créée en 1964, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement est la principale institution du système des Nations Unies pour le traitement intégré du commerce et du développement et des questions connexes concernant le financement, la technologie, l'investissement et le développement durable. Son objectif principal est d’intégrer les pays en développement dans l'économie mondiale de façon à favoriser leur essor. Elle compte actuellement 192 membres. (Source : fiche CNUCED du Haut Conseil de la coopération internationale. Service du Premier ministre français.).
(3) On dit aussi sables bitumeux, ou asphaltiques.
(4) Architecte américain (1895-1983). Son « dôme géodisique » était exposée par le pavillon des Etats-Unis à l’exposition universelle de 1967 à Montréal (Québec).
(5) En raison de la récession mondiale, le département américain de l’Energie prévoit une baisse de la demande de pétrole pour la première fois en un quart de siècle et estime que le cours du brut oscillera entre 30 et 40$ le baril (env. 160 litres) en 2009. Selon les dernières prévisions, la demande va baisser de 1 à 1,5 million de barils par jour.

Mon essai La dernière Croisade. Des Ecolos aux Ecolomaniaques ! est édité aux éditions L’Arganier(sortie : novembre 2009).



3 commentaires:

Olivier Zara a dit…

Intéressant, ton billet nous plonge dans l'oil du cyclone ! Elle était facile .... Cela dit ton billet contredit un reportage sur Radio-Canada :

http://www.axiopole.info/2009/09/05/pic-petrolier-mondial-peak-oil/

Véronique Anger-de Friberg a dit…

Oui, Olivier, il contredit certainement un tas d'informations que l'on essaie de nous faire avaler toutes crues... Mais je puise mes sources dans un rapport officiel. Je n'ai pas vu ce reportage et j'ignore où les enquêteurs ont puisé les leurs ;-)

Martial a dit…

Nous en avons deja discute ailleurs mais je precise que compte-tenu de la crise financiere mondiale, la demande en energie primaire, donc de petrole, s'est ecroulee entrainant dans la foulee la chute de(s) cours spot(s) aux environs de 40 $/b. Les reserves etant toujours estimees en fonction de la production du moment, elles ont donc enfle sans changer en valeur absolue. Manquerait plus qu'on trouve du petrole en grosse quantite en Alaska pour que les chiffres soient approches en terme de reserve ;-) Par ailleurs, la societe canadienne citee pour le sable bitumineux serait la seule a avoir un cout de production inferieur a 20 $/b, alors que les autres majors sont entre 30 et 40 $/b. Du coup, la production n'est plus rentable aux cours spots actuels de vente. Mais entre l'emploi et l'or noir (des que les cours remontront) pour un etat federal un temps separatiste (a un moment, on ne veut plus partager les richesses avec des voisins plus pauvres ;-) et le chomage et la reconversion economique, le resultat ne fait pas un plis.