lundi 21 décembre 2009

COLERE DES DIEUX, PENSÉE MAGIQUE ET BOUC ÉMISSAIRE

Si l’écologie, devenue une priorité, peut être un choix de vie collectif, elle ne peut en aucun cas être imposée comme la religion du troisième millénaire. Oui, éduquer à l’écologie et au respect de l’environnement est essentiel, mais cette éducation ne doit pas servir à réveiller les terreurs de sociétés archaïques en faisant ressurgir le millénarisme à des fins de manipulation.

Hélas, le dogme religieux qui se veut hégémonique proscrit le doute et rejette tous progrès ou découvertes qui n’iraient pas dans le sens indiqué par la Règle. Le principe de toute religion intolérante consiste à maintenir ses fidèles dans l’ignorance et dans un climat de peur : la crainte du châtiment divin. Ici, la fin de l’humanité pécheresse reste une valeur sûre… Cette illusion populaire sans fondement, bien enfouie dans notre inconscient, est prête à ressurgir en période de crise.

En moins d’une décennie, l’écologie est passée du phénomène de mode à un véritable mode de vie adopté avec conviction par la majorité des habitants des pays occidentaux. Il faut s’en féliciter. Mais comment expliquer qu’en dépit de leur bonne volonté, les simples citoyens, qui font plutôt figure de bons élèves, soient sans cesse rappelés à l’ordre ? Les autorités et les oiseaux de mauvais augure les terrorisent littéralement en leur faisant miroiter pour les dix ou cinquante prochaines années toute une série de catastrophes : déchaînement climatique—selon l’humeur du jour : canicules à répétition provoquant des centaines de milliers de décès ou refroidissement aussi brutal que destructeur —; pénuries alimentaires ; empoisonnements des animaux de boucherie, de l’air ou de l’eau ; pandémies impossibles à endiguer ; conflits dévastateurs pour la maîtrise de l’énergie, l’accès à la nourriture ou à l’eau potable… Telles les dix plaies s’abattant sur notre Égypte impie comme autant de châtiments divins ?

Les thèmes du poison, des épidémies, de la famine, de la sécheresse ou de lamontée des eaux engloutissant les terres, de l’invasion des insectes, de la guerre…sont récurrents au fil des millénaires. Chacun de ces « fléaux divins » représente autant de menaces et de peurs typiques qui ont, notons-le, fait la preuve de leur efficacité dans un contexte psychosocial dominé par l’angoisse. Les Gaulois craignaient que le ciel leur tombe sur la tête ? Ne souriez pas, rien n’a vraiment changé : aujourd’hui, nous craignons de voir la planète exploser…

Principalement en période de crise, il est un phénomène commun à toutes les cultures : la peur de la mort et les terreurs collectives permettent de souder la communauté autour d’un système de croyances et de pratiques imposées à tous. Autant de rituels censés immuniser les simples mortels contre la colère des dieux…

En dépit des progrès de la science, l’individu ne parvient pas à agir sur les causes naturelles de désastre (en l'occurrence, on parle du "réchauffement climatique"). Il va tenter, par une forme de pensée magique, de conjurer le sort et de pallier sa faiblesse en vouant un culte religieux à la nature. Pour endiguer le mal, des représentants de l’élite, des chefs charismatiques, des leaders politiques, se serviront de leur pouvoir et des médias pour désigner à une foule paranoïaque des responsables, vraisemblablement innocents de la plupart des « crimes » qui leur sont imputés.

Lorsque personne ne parvient à canaliser cet emballement — religieux, politique, médiatique, collectif… — le risque d’assouvir ses peurs et ses frustrations à travers des violences collectives s’avère quasi inévitable. La tentation de chercher à résoudre une crise en sacrifiant une victime expiatoire, un « bouc émissaire », est indissociable des sociétés humaines (1), qu’elles soient traditionnelles ou modernes. La (ou les) cible(s) désignée(s) —des individus appartenant à une minorité stigmatisant les craintes ou les jalousies sociales—une fois jetée(s) en pâture à la foule déchaînée vont nourrir son appétit de violence.

Ce processus infernal peut aboutir, au mieux, à la mise au ban de la société ; au pire, au meurtre collectif, au lynchage. L’exclusion du groupe ou la privation de liberté sont des punitions sévères et une grande humiliation pour l’animal grégaire qu’est demeuré l’être humain. La mort est évidemment un châtiment extrême, mais il n’est pas inutile de rappeler que la plupart des religions sont fondées sur le meurtre collectif que René Girard5 appelle le meurtre fondateur en raison de ses effets réconciliateurs.

Selon lui, dans les cas de « meurtres unanimes » — du sacrifice du bouc émissaire à l’exécution capitale d’un condamné —, les individus partagent tous le même degré d’innocence et de responsabilité. La victime, ou le condamné, sont sacrifiés pour sauver ou protéger tous les autres. Le meurtre fondateur est donc « réconciliateur », car il élimine tout désir individuel de vengeance. En effet, quiconque souhaiterait se venger serait contraint de s’attaquer à la société tout entière. Le meurtre fondateur ramène ainsi la paix sociale dans le groupe et renforce l’unité de la communauté… jusqu’à la prochaine crise !

S’en remettre ainsi à cette pensée magique relève de la paresse intellectuelle. L’illusion que l’homme peut tout contrôler ouvre la voie à l’irrationnel et à l’arbitraire. Il est plus facile, en effet, de jeter à la vindicte populaire des pseudo-responsables plutôt que de reconnaître les limites de son savoir en cherchant à dissimuler son incapacité à comprendre et à dominer les cycles de la nature.

(1) L’anthropologue français René Girard, connu pour ses théories audacieuses, a consacré de nombreux ouvrages au processus victimaire. La Violence et le Sacré (Grasset. 1972), traduit en plusieurs langues, fait toujours référence dans les milieux universitaires.


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Pour information :

- « Sur le réchauffement climatique » exposé de Vincent Courtillot, géophysicien, membre de l'Académie des sciences, directeur de l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP)
- En savoir plus sur « La dernière Croisade ».

1 commentaire:

Richard Bennahmias a dit…

Ce que vous écrivez là entre en écho avec ce que j'ai écrit de mon coté d'un point de vue théologique :

http://112234.free.fr/bete-a-bon-dieu/spip.php?article50

http://112234.free.fr/bete-a-bon-dieu/spip.php?article138

http://112234.free.fr/bete-a-bon-dieu/spip.php?article139

Bien cordialement

Richard Bennahmias

P.S. : j'ai eu connaissance de votre blog par mon réseau FB