jeudi 11 juin 2009

Juste le temps de construire un monde…

Je vous recommande chaleureusement de relire « Le Macroscope. Vers une vision globale », un essai du scientifique-futurologue Joël de Rosnay publié en 1975 (Seuil) et un ouvrage visionnaire devenu une référence en matière de réflexion et de proposition sur l’écologie.
A la toute fin du livre, l’auteur nous faisait partager ses « Notes de voyage en écosocialisme ». Elles n’ont pas pris une ride…


« Le Macroscope » est en ligne en version intégrale en anglais sur le site de l’auteur et vous trouverez le texte original de l’épilogue en français sur mon blog : http://blog.veroniqueanger.org/.
Ainsi, dès 1975, le scientifique Joël de Rosnay décrivait dans « Le Macroscope » (prix de l'Académie des Sciences Morales et Politiques) l’avènement de ce qu’il nommait alors « l’« écosocialisme, c’est-à-dire une convergence des grandes politiques économiques et sociétales vers la protection de l’environnement. ». Il est clair, rappelait-il près de 35 ans plus tard dans son dernier livre « 2020 : Les scénarios du Futur » (que j’ai eu l’honneur d’éditer en avril 2007 dans ma maison Des idées & des Hommes) qu’« on assiste aujourd’hui à la volonté de telles convergences, suite aux graves problèmes mondiaux causés par les prémices du réchauffement planétaire. » (cf : extrait en fin d’article).

Je vous livre, ici, quelques extraits, histoire de vous donner envie de cliquer sur le lien :
« Comment réorienter l’économie de manière à mieux servir, à la fois, les besoins humains, le maintien de l’évolution du système social et la poursuite d’une véritable coopération avec la nature. ».
« L’écosociété est décentralisée, communautaire, participative. La responsabilité et l’initiative individuelle existent vraiment. L’écosociété repose sur le pluralisme des idées, des styles et des conduites de vie. Conséquence : égalité et justice sociale sont en progrès. Mais aussi, bouleversement des habitudes, des modes de pensée et des mœurs. Les hommes ont inventé une vie différente dans une société en équilibre. Il se sont aperçu que le maintien d’un état d’équilibre était plus délicat que le maintien d’un état de croissance continue. »(...)L’écosociété c’est aussi l’explosion du qualitatif et de la sensibilité. L’exploration et la conquête de l’espace intérieur. Moins préoccupés par la croissance, produisant et consommant moins, les gens ont retrouvé le temps de s’occuper d’eux-mêmes et des autres. Les rapports humains sont riches, moins compétitifs. On respecte les choix et les libertés d’autrui. » et pour conclure :
« Mais il est important de rêver. Et pourquoi ne prendrait-on pas ses rêves pour
des réalités ?... Juste le temps de construire un monde. ».

Un discours « sur » et « pour » l’écologie toujours actuel
Que faisaient donc les Yann Arthus Bertrand, Nicolas Hulot et consorts dans leur jeunesse et pendant ces 35 dernières années ? Que faisaient-ils au lieu de travailler à « construire cet autre monde » ? En 1975, ils avaient 25, 30 ans ? Ils ont donc eu tout le temps de relayer ces propositions. Pourquoi ne réagissent-ils que depuis quelques années, et dans l’urgence ? M. de Rosnay, particulièrement médiatisé dans les années 1980, parle écologie depuis toujours. C’est lui qui a écrit le « Manifeste pour une France solaire » dès 1980. Il est impossible que les donneurs de leçon d’aujourd’hui, qui croient pourtant avoir réinventer le fil à couper le beurre… n’aient pas entendu son appel, ou lu ne serait-ce qu’un de ses livres.

Ce thème de l’écologie, d’une autre vision de la mondialité, d’un autre monde possible, sont récurrents dans ses écrits. Lisez « L’Homme symbiotique » (1995), «Le cerveau planétaire» (1988), « 2020 : les scénarios du Futur », l’écologie y tient toujours une place prépondérante. Pourquoi les donneurs de leçons d’aujourd’hui sont-ils, hier, restés sourds à ce discours ? Un discours tellement plus intelligent et responsable que les discours alarmistes qu’on nous assène aujourd’hui. Un discours qui ne cherche pas de coupables, mais à inciter à une prise de conscience, à revoir son rapport à l’autre, à la nature, à changer progressivement ses comportements.
Un discours porté par tous les membres du stimulant « Groupe des 10 » et leurs prestigieux invités depuis les années 1970 (cf. liens en bas de page pour en savoir plus). Jacques Robin, Edgar Morin, Joël de Rosnay, René Passet, Henri Laborit, Henri Atlan, André Leroi-Gourhan, Michel Serres, Patrick Viveret, Michel Hervé, Michel Rocard, Jacques Delors, Jacques Attali, René Girard, Ilya Prigogine, Jean-Pierre Changeux, Cornélius Castoriadis, Isabelle Stengers, Armand Petitjean, Bernard d’Espagnat, André Bourguignon… et tant d’autres grandes figures de la pensée française. Un discours sur et pour l’écologie, toujours actuel, mais un discours qui n’a vraiment rien à voir avec le délire écolomaniaque du moment…

______________________

Notas :


J’ai emprunté le titre de cet article à cette magnifique formule « juste le temps de construire un monde » que j’ai relevée dans l’épilogue du livre « Le Macroscope ».

- « Joël de Rosnay Fan club » sur Facebook :
http://www.facebook.com/profile.php?id=567688439&ref=name#/group.php?gid=27200722173&ref=ts
- « Le Carrefour du Futur », le site de Joël de Rosnay :
http://www.cite-sciences.fr/derosnay/
- Le Macroscope dans Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Macroscope.

A télécharger et/ou à consulter gratuitement sur internet :

- Le livre « Le Macroscope » en intégralité (en langue anglaise) : http://pespmc1.vub.ac.be/macrbook.html
- Le livre « 2020 : les scénarios du Futur. Comprendre le monde qui vient » (en français) :
http://www.scenarios2020.com/livre/

_____________________

Extrait du livre « 2020, les scénarios du Futur » (2ème Partie : L’Internet du Futur. Page 108 de l’édition DIDH) de Joël de Rosnay (ce titre, réédité chez Fayard, est toujours disponible en librairie et téléchargeable gratuitement en ligne sur :
http://www.scenarios2020.com/livre/) :

« Vers un écosocialisme ?

Vis-à-vis des industriels, mon objectif est de montrer qu’il existe aujourd’hui des évolutions technologiques qui risquent de déstabiliser leurs modèles économiques traditionnels. Surtout s’ils ne tentent pas de les comprendre et de les utiliser dans un esprit de durabilité et dans l’intérêt de l’évolution des sociétés humaines.
Pour la première fois dans l’histoire des hommes, la coopération de masse des usagers peut avoir, en un temps très bref, des retombées économiques considérables. Cette montée en puissance des pronétaires inquiète évidemment les entreprises à structure classique, avec leur hiérarchie rigide et leur système de commandement et de contrôle pyramidal. Les entreprises traditionnelles, sous peine de disparaître, en tous cas pour certaines, devront désormais compter avec des groupes de consommateurs qui, non seulement décideront de ce qu’il veulent, comme ils commencent déjà à le faire à l’échelle mondiale, mais parviendront même à le produire massivement, y compris physiquement.
La montée des médias des masses nous laisse entrevoir une opportunité d’équilibrer la société plus efficacement, en trouvant un compromis entre la régulation par le haut et la co-régulation par le bas. On est ainsi à l’aube de ce nouveau contre-pouvoir fondé sur l’intelligence connective et les médias des masses. Un contre-pouvoir qui sera sans doute encore plus déterminant en 2020, plus structuré et plus efficace.
Cette ère de l'information, matérialisée par l’explosion des usages de l’Internet du futur, sera évidemment, et de plus en plus, liée au développement humain (formation, e-éducation, autonomie, coéducation en « pair à pair » ou P2P) ainsi qu'à l'écologie aussi bien locale que globale. Internet permettra très probablement la constitution de circuits alternatifs (du type de ceux du commerce équitable aujourd’hui) et donnera, paradoxalement, les moyens d'une indispensable relocalisation de l'économie pour équilibrer la globalisation.
Le même type de processus pourra se réaliser dans le domaine de l’énergie. La décentralisation de la production et de l’utilisation énergétique avec, notamment, le modèle de l’Hydronet, proposé par Jeremy Rifkin(1), sera sans doute régulée par les réseaux citoyens informatiques aux alentours de 2020. Elle conduira à de nouvelles responsabilisations, face à la production, aux économies et à la distribution d’énergie. Là encore, les institutions traditionnelles seront défaillantes. On verra proliférer des exemples de solidarités réciproques dans le partage énergétique, avec une sorte de mutualisation des réseaux : une forme de « P2P énergie » ! De même pour l’eau et sa distribution aux moins favorisés de la planète. La solidarité en réseau, régulée par les échanges d’information et le contrôle en temps réel des consommations et des productions sur l’Internet de demain, permettra d’équilibrer plus intelligemment production et demande, en réduisant les inégalités et en préservant mieux les ressources.
Politiquement, les réseaux solidaires de l’Internet de 2020 pourraient participer à l’avènement une écologie-politique construisant une autonomie locale tout en restant reliée au global (par exemple grâce à des monnaies alternatives) et constituant ainsi un nouveau modèle politique, une forme de post-libéralisme succédant au post-totalitarisme !
J’avais décrit dans mon livre le Macroscope en 1975, l’avènement de ce que j’appelais un « écosocialisme », c’est-à-dire une convergence des grandes politiques économiques et sociétales vers la protection de l’environnement. On assiste aujourd’hui à la volonté de telles convergences, suite aux graves problèmes mondiaux causés par les prémices du réchauffement planétaire. Certes, le terme d’écosocialisme peut être contesté, mais proposé en 1975, il a le mérite aujourd’hui, de susciter l’avènement de formes d’autonomies locales catalysées par des réseaux sociétaux s’appuyant sur l’écosystème informationnel que devient progressivement l’Internet mondial. ».

(1) Jeremy Rifkin in « L'Economie hydrogène » (éditions La Découverte, 2002).

Aucun commentaire: