Je viens de regarder « Home », le docu-film de Yann Arthus Bertrand en intégral sur Youtube. J'ignore combien a coûté ce film (et le livre), je sais seulement que « Home » a été financé à hauteur de 12 millions d'euros par M. François-Henri Pinault et qu'il est l'aboutissement de 3 ans de recherche et de travail. Le résultat esthétique est à la hauteur de nos espérances. Comment résister à de telles images ?
Yann Arthus Bertrand a parcouru 130 pays à la recherche de toutes ces beautés réunies dans une 1H34 de film. Comme Ulysse, Arthus a fait un long voyage… Il est vrai que, lorsqu’on sort de chez soi, ce ne sont pas ces images d’une planète magnifique et fragile qui sautent à la figure, mais plutôt celles de cités grises et de mines tout aussi grises des gens pressés et bien peu avenants.
L'émotion, la valeur sûre de ce début de 3ème millénaire...
J’ai aimé ce film. Forcément. Comment aurait-il pu en être autrement ? Tant de beauté vous tire des larmes d’émotion. C'est « irrésistible ». Je pense que ce film fait appel aux mêmes « ressorts » que les peintures sublimes des artistes de la Renaissance symbolisant des madones à l'enfant Jésus ou des scènes de la vie religieuse. La « promotion » d’une religion à travers l’art et la beauté. Personne ne peut résister à cela. Pas même moi… Ni les libre-penseurs des siècles passés qui ne pouvaient contenir leur émotion lorsqu’ils contemplaient les chefs d’œuvre de Leonard de Vinci ou s’abandonnaient aux voix cristallines donnant vie à des chants sacrés.
Assurément, « Home » fait appel à l’émotion. L’é-mo-tion, la valeur sûre du 3ème millénaire. L’émotion, ce sentiment qui a remplacé la raison dans nos sociétés dominées par le paraître plutôt que par l’être. Société de l’image et du zapping où la réflexion « tête froide » n’a plus sa place. Il faut « vibrer », réagir à chaud, laisser parler ses émotions… L’analyse, l’esprit critique, le doute,… ne sont plus à la mode. Ils sont pourtant indispensables pour se poser les bonnes questions et prendre les bonnes décisions. Or, j’entends ou je lis peu de réactions critiques, « pesées », documentées, peu de discours rappelant les vraies priorités, les urgences éminemment « urgentes ». Je constate que le populisme et la démagogie gangrènent nos sociétés ultra modernes, incarnés par des maîtres à penser au-dessus de tout soupçon et portés par des messages pédagogiques aussi beaux que culpabilisants.
Une émotion vide de compassion
J’aimerais tant que cette émotion soit utilisée pour s’imaginer « à la place de… ». A la place de ceux qui n’ont que faire de nos messages alarmistes quand leurs enfants dépérissent sous leurs yeux. J’aimerais qu’on enseigne aux plus jeunes la compassion et l’empathie. Oui, nos émotions sont exacerbées. Mais ces émotions-là, ce n’est que du plaisir. On se fait plaisir. Cette émotion-là est vide de toute compassion, d’empathie, de générosité. En effet, où est la compassion pour ceux qui meurent là-bas, si loin de nous ? Je sais que je vais encore faire grincer des dents, mais ainsi que je l’ai déjà maintes fois dénoncé dans mes articles et mon ouvrage à paraître en octobre prochain, où est-elle cette compassion qui devrait mobiliser notre énergie autour d’une plus grande cause encore, une cause urgentissime, à savoir : sauver les vies de nos frères humains qui peuvent encore être sauvées, maintenant, pas dans 50 ans ?
Ce film est sublime, oui. Et je le regarderai à nouveau parce que, comme vous, je ne peux résister à la beauté de ce « miracle de la nature » qu’est la vie sur Terre. Mais je refuse que cette beauté qui me submerge de tant d’émotion m’aveugle au point de me faire oublier que la compassion reste le plus beau témoignage d’amour que l’on puisse offrir à son prochain. Alors, oui, je regarderai ce film, encore et encore, mais sans le son, sans ces messages alarmistes qui effraient nos jeunes en prétendant que, si on ne fait rien maintenant : dans 10 ans il sera trop tard pour sauver la planète... Non, je ne veux pas penser uniquement aux générations futures, je veux penser aussi -et avant tout- à tous les « morts-vivants » d’aujourd’hui qui suscitent bien peu de compassion et d’empathie. Toutes ces pauvres âmes que les beaux discours sur l’environnement ont oubliées.
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