jeudi 30 avril 2009

QUI VEUT LA PEAU DE L’AUTO 100% ELECTRIQUE ?



Signe d’un changement d’époque ou d’une réelle prise de conscience, la propulsion électrique et les énergies alternatives auront été les vedettes des salons de l’automobile 2009 de Paris, Detroit ou Genève. Les grandes marques automobiles semblent enfin avoir compris que le marché des véhicules propres est un marché à fort potentiel.

Tous les constructeurs automobiles ont décidé de miser sur le « vert » et les autos non polluantes deviennent un enjeu prioritaire, en particulier pour une industrie automobile américaine moribonde. Une industrie automobile qui n’a pas vu venir le virage écologique et a perdu des années à produire des autos inefficaces et énergivores. Des autos d’un autre âge, dont les consommateurs ne veulent plus... Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends que Chrysler vient de se placer sous la Loi sur les faillites afin d’assurer sa survie…

Un projet tué dans l’oeuf...
Pour être tout à fait exact, General Motors (GM) aurait pu prendre le virage de l’auto « verte » dès la fin des années 1990. Mais elle a préféré tuer son projet dans l’œuf. La EV1 de GM, première auto électrique de série (disponible sous contrat de location
[1] uniquement) 100% non polluante a connu un succès fulgurant en Californie et en Arizona à la fin des années 1990. Pourtant, les 800 véhicules loués ont été repris pas le constructeur à l’échéance du contrat de location, après trois ans de bons et loyaux services.
Lancée en 1997, cette auto « zéro émission » devait répondre aux exigences des nouvelles lois californiennes sur les véhicules ZEV (Zero Emission Vehicle) du début des années 1990. Mais GM abandonna ce programme en 2001 en dépit du succès de l’expérience auprès des locataires et d’une liste d’attente de plusieurs milliers de clients désireux de tenter eux aussi l’aventure de l’auto garantie « zéro pollution ». Le documentaire
[2] de Chris Paine « Qui a tué la voiture électrique ? » (« Who killed the electric car ? » USA. 2006) retrace toute cette épopée et donne une explication plutôt crédible des motivations de ce véritable sabordage : les lobbies pétroliers et automobiles, alliés à l’administration Bush, voulaient la peau de l’auto électrique car les profits à court terme n’étaient pas satisfaisants.
En effet, contrairement au moteur à combustion, le moteur électrique ne nécessite aucun entretien et ne consomme pas une goutte d’essence puisque l’auto est rechargeable sur une prise de courant chez soi, au bureau ou dans n’importe quel endroit pourvu d’une prise électrique. Une catastrophe pour les concessionnaires, garagistes et pétroliers, qui avaient réussi à maintenir l’addiction des consommateurs jusqu’à l’arrivée du 100% électrique.

Scier la branche…
A l’époque, le gouvernement américain n’a jamais osé pas s’en prendre aux compagnies pétrolières et automobiles. La politique fédérale américaine avait le pouvoir de mettre en place des mesures incitatives pour développer l’auto électrique, mais Washington (l’administration Bush) et les lobbies automobiles et pétroliers ont engagé des poursuites contre l’Etat de Californie pour abroger le mandat des autos électriques dans cet Etat. Ils craignaient que cette expérience ne soit étendue au reste du pays ! Après des mois de palabre, les constructeurs automobiles ont passé un accord avec l’Etat. Ils se sont engagés à construire des véhicules « hybrides » contre l’arrêt de la législation sur les économies d’énergie. Mais il s’agissait d’un compromis politique et non d’une avancée technologique puisque la preuve a bien été faite, par le passé, que la technologie existe et fonctionne de manière satisfaisante.
Elle a d’ailleurs énormément progressé. Aujourd’hui, on sait parfaitement fabriquer des modèles dont l’autonomie dépasse les 480 kms tout en étant capable de rouler à plus de 110 kms à l’heure (si vous avez déjà conduit une voiture de sport (dont le petit réservoir est généralement inversement proportionnel à sa grosse consommation...) sur l’autoroute, vous avez dû remarquer qu’il fallait vous arrêter pour faire le plein tous les... 200 kms).
L’un des meilleurs exemples des batteries électriques de pointe est la Teslamotors
[3], qui a tout d’une « vraie » sportive. De 0 à 100 km/heure en 4 misérables secondes… mieux qu’une Porsche 911 turbo ! Ces nouvelles batteries auraient pu être adaptées sur les EV1 de GM si tant est qu’une volonté politique forte avait soutenu sans faillir le programme électrique lancé dans à la fin des années 1990.
L’engagement des constructeurs américains à fournir des autos hybrides aura peu ou pas été respecté et, alors qu’ils abandonnaient leurs recherches sur la technologie hybride
[4] au profit de la pile à combustible (permettant de produire de l’électricité à partir de l’hydrogène) Toyota et Honda s’engouffraient dans cette voie car ils craignaient de se faire devancer par les USA. Bien leur en a pris ! En quelques années, grâce à l’hybride, Toyota est devenu le leader du marché. Et oui, la nature a horreur du vide... Ainsi, après des années de mauvais calcul, les anciens fleurons de l’industrie automobile américaine ont aujourd’hui besoin des subventions de l’Etat pour ne pas sombrer totalement. C’est ce qui s’appelle scier la branche…

A qui profite la pile à hydrogène ?
A la lueur de cette mésaventure, ill est légitime de se demander si la pile à combustible (ou pile à hydrogène) n’est pas une nouvelle tentative de manipuler des consommateurs déjà désinformés. De grands espoirs reposent sur cette technologie et on peut imaginer que le gouvernement a commencé à se soucier de l’environnement. Mais on peut aussi y voir un procédé habile pour donner l’illusion que cette solution est meilleure que celle des batteries électriques alors que l’électrique a fait ses preuves à plusieurs occasions par le passé. L’hydrogène, en revanche, pose toujours de sérieux problèmes, d’entreposage et de coûts notamment (prix élevé du carburant, mise en place coûteuse d’un réseau de distribution,...).
Pourtant, en 2001, sous la pression des lobbies pétroliers et automobiles, qui espéraient ainsi contrer le projet de l’auto électrique, le président Bush débloquait 1,2 milliards de dollars pour encourager un programme de recherche sur la pile à hydrogène. Mais qui est donc le mieux positionné pour fournir des infrastructures de distribution d’hydrogène ? Voyons voir... les compagnies pétrolières ? Gagné ! Les pétroliers disposent déjà de tout un réseau de distribution ; ce serait dommage de ne pas en tirer profit...
Après avoir réussi à retarder la propagation de l’auto 100% électrique, il semblerait assez logique que les lobbies pétroliers continuent à faire pression sur l’industrie automobile et les gouvernements afin que les autos à hydrogène de série ne soient pas commercialisées avant épuisement total des réserves d’or noir. Mais je fais sûrement du mauvais esprit… et l’avenir nous dira si ce pari était judicieux.
Cela dit, dans la mesure où il reste du pétrole pour un siècle au moins, on risque bien de connaître l’avènement d’un pétrole plus propre
d’ici à ce que la pile à hydrogène ou le moteur 100% électrique aient définitivement remplacé les moteurs à combustion…

Nota :
J’aborde ce sujet dans mon prochain essai "La dernière Croisade. Polémiques sur l’écolomania" (à paraître en octobre prochain).

[1] Fait étonnant, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, il est impossible de devenir propriétaire de la carte grise d’une auto électrique et on ne trouve aucun modèle électrique sur le marché de l’occasion… Pourquoi ?
[2] Le documentaire de Chris Paine est diffusé en version intégrale sur Dailymotion : http://fr.cars.yahoo.com/16102007/321/qui-a-tue-la-voiture-electrique-0.html

[3] La TeslaMotors 100% électrique : http://www.ddmagazine.com/La-voitur... et http://www.teslamotors.com/eu/ (Europe).
[4] La technologie hybride en 2009, c’est un gros moteur à essence associé à un petit moteur électrique. Demain, ce sera l’inverse.
[5]

1 commentaire:

Olivier Zara a dit…

Merci pour cet excellent billet dont le contenu est effarant mais pas vraiment étonnant...